IL Y A 24 ANS, EN NOUVELLE CALEDONIE

Publié le par la Rédaction

Nous assumons notre retard dans la publication de cet article, qui aurait été plus pertinente entre le 22 avril et le 5 mai. Comme nous ne sommes pas patients, nous n'avons cependant pas souhaité attendre jusqu'en 2013 pour le triste anniversaire des 25 ans, en laissant cet article au frigo. Espérons qu'il y aura des commémorations en France. Nous en serons, le cas échéant.

ouvea-carte.pngDepuis que la France a décidé d'appliquer une politique de colonisation à l'australienne (immigration massive pour qu'il y ait plus de colons que d'autochtones) [1], la situation est tendue en Kanaky [2], dont les ressources en nickel représentent entre 20 et 30% des réserves mondiales connues à ce jour. Des militants indépendantistes attaquent les colons, l'armée réprime par des assassinats. Lors du référendum du 13 Septembre 1987 - boycotté par les natifs car demandant seulement 3 ans de résidence en Kanaky pour voter - le non l'emporte à 98,3%, avec 59,1% de participation. Un nouveau statut (Pons II, du nom du Ministre de l'Outre-mer de l'époque) renforçant la domination étrangère sur l'archipel entre en vigueur. L'occupation militaire est renforcée.

 

"Seize otages dans une grotte de l'île"

Sur l'île d'Iaai/Uvea en Kanaky, le 22 Avril 1988, des militants du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak Socialiste) se rebellent contre la colonisation de leur territoire en attaquant la gendarmerie de Fayaoué, tuant trois gendarmes (un quatrième mourra de ses blessures deux jours plus tard) et prenant vingt-sept autres comme otages. Sur les deux groupes de militants, l'un - dirigé par Chanel Kapoeri - libèrera ses otages trois jours plus tard, sur demande de la population. L'autre - dirigé par Alphonse Dianou - emmène et garde ses seize otages dans une grotte de l'île: "il n’y a pas de scène de violence gratuite", explique le gendarme mobile Alberto Addari.

La campagne présidentielle française étant en cours, le PS doit absolument régler ce conflit, pour ne pas risquer de perdre la face... et les élections.

 

"Iaai/Uvea est bouclée, déclarée 'zone militaire'"

Iaai/Uvea est alors en état de guerre. L'armée est déployée, il s'agît du Régiment d'Infanterie de Marine du Pacifique (RIMaP) : le GIGN, EPIGN, le 11ème Choc (dépendant des services secrets) et le commando Hubert, dirigés par le Général Vidal. L’île d’Iaai/Uvea est bouclée, déclarée "zone militaire" [3] et interdite aux journalistes [4]. Les habitants des villages alentours sont parqués dans des prisons, souvent improvisées ou attachés à tout ce qui s'y prête. Les militaires torturent à tout va pour obtenir des aveux [5]. Les nostalgiques de l'Algérie s'en donnent à coeur-joie, employant les "méthodes qui nous répugnent" (comme disait le Général Massu). Pendant ce temps, le GIGN envoie un négociateur - Philippe Legorjus - afin de débloquer la situation.

 

"Il y a eu des blessés [...] achevés à coups de bottes"

grotte-ouvea-massacre-1988.jpg

Finalement, le 5 Avril - à trois jours du second tour de l'élection présidentielle, l'assaut est donné. Rappelons que le chef suprême des armées est le président , à savoir François Mitterrand (PS), un ancien membre des ligues fascistes qui fut responsable sous l'Etat français de Vichy. Cependant, l'Elysée n'est officiellement pas informé, d'après Gilles Ménage, directeur de cabinet de la Présidence de la République française.

Dix-neuf preneurs d'otages et deux militaires sont "tués pendant l'assaut". Mais on remarquera par la suite que douze des militants kanaks ont une balle dans la tête (possible... mais difficile à réaliser dans une bataille). En effet, alors que la plupart des militants étaient sortis vivants de la grotte, plusieurs ont été achevés, d'autres - comme Alphonse Dianou - décédèrent car laissés plusieurs heures sans soin. [6] "Il y a eu des blessés kanaks et deux de ces blessés ont été achevés à coups de bottes par des militaires français, dont un officier." [7]

 

Est-il nécessaire d'établir une conclusion?

On ne peut que constater la véritable boucherie menée par la France dans l'une de ses colonies.

En fait, si, il est nécessaire de conclure. Au-delà du caractère révoltant de cet acte de barbarie, il faut se pencher sur l'intérêt de notre pays à garder la main sur ses colonies, qu'il peut ainsi piller allègrement et sans contrainte afin de s'enrichir. Cet enrichissement sert à acheter la paix sociale dans la métropole, c'est à dire éviter une révolution en corrompant une partie des travailleurs en leur offrant des avantages. Ainsi, en apportant notre solidarité aux victimes de l'impérialisme de notre bourgeoisie nationale, nous pouvons l'affaiblir. Et quel meilleur acte de solidarité pouvons-nous faire que de développer notre conscience de classe et de nous organiser, afin de nous révolter, nous, les victimes de la bourgeoisie française - que l'on soit français, kanak, corse, guadeloupéen, basque, breton... - pour en finir avec l'oppression et l'exploitation et construire le Socialisme véritable.

 

Vous pouvez trouver divers documentaires et films sur le massacre d'Iaai/Uvea. En voici deux exemples, à vous de fouiner, si vous en voulez plus.

Elizabeth Dréviloon, Grotte d'Ouvéa, autopsie d'un massacre. 

Mathieu Kassovitz, L'Ordre et la Morale.

 

 

[1] Patrick Pesnot, 1988, la grotte d'Ouvéa, Rendez-vous avec X, 7 janvier 2012
[2] colonie française du Pacifique, appelée par l'occupant "Nouvelle Calédonie"
[3] l'armée se substitue aux pouvoirs civils
[4] http://www.rue89.com/2008/05/09/laffaire-de-la-grotte-douvea-vraiment-du-passe
[5] (cf: Médiateurs du Pacifique, Ouvéa : autopsie d’un massacre)
[6] Retour sur Ouvéa, documentaire de 2008, réalisé par Mehdi Lallaoui
[7] http://www.rue89.com/2008/08/19/nouvelle-caledonie-laveu-de-rocard-sur-laffaire-douvea

Publié dans Répression

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